Arturia : Storm 2.0

La société française Arturia a été l'une des toutes premières à se lancer dans la course aux studios virtuels avec son logiciel Storm. Des concurrents sérieux sont vite apparus et ont considérablement modifié le marché. Est-ce que la version 2 de Storm permet à Arturia de rester dans la course des studios virtuels professionnels ? Le marché grand public a trouvé un logiciel avec qui compter. Analyse et Explications.
Que de souvenirs ! Storm fut l'un des premiers logiciels à proposer ce fameux concept qui consiste à assembler des modules pour créer son studio virtuel. C'est donc avec émotion que j'installe la dernière version sur mon ordinateur, impatient de voir les évolutions de cette vieille connaissance. Après avoir fait un petit tour dans les préférences pour régler les paramètres d'usage, me voici devant le studio builder, l'interface de construction du studio.
Ca commence mal…
Aïe.
Storm 2 a gardé l'ancien système
de construction du studio, aujourd'hui complètement
dépassé. On est toujours obligé
de passer par une phase de « compilation »
après avoir choisi les éléments
de son studio, pour que celui-ci soit créé.
Malgré le peu de temps que prend ce calcul,
on ne peut s'empêcher d'être frustré,
d'autant plus qu'il faut relancer une compilation
dès que l'on veut rajouter un module non
prévu au départ ! Une deuxième
frustration intervient assez rapidement : la limitation
en nombre de modules par studios. Il faudra compter
sur un maximum de 4 instruments et 3 effets en
simultané. A ce stade, difficile de faire
la comparaison avec les autres logiciels du marché,
la majorité n'ayant pour seule limite que
la puissance de votre ordinateur et une gestion
des modules en temps réel. Il existe cependant
deux moyens d'outrepasser cette limite.
Le premier est le protocole Rewire
qui permet de transférer des données
Midi et audio entre différentes applications.
Il permet d'ouvrir une deuxième occurrence
de Storm qui se synchronisera automatiquement
à la première. Si ce système
n'est pas le plus simple (on doit sauvegarder
les morceaux pour chaque occurrence), il a le
mérite d'être gratuit puisqu'il est
fourni avec Storm, et de repousser ses limites
à 8 instruments et 6 effets en simultané.
L'autre moyen est d'utiliser Storm en VST
dans son séquenceur préféré.
Cette fonctionnalité le sauve à
bien des égards comme nous le verrons plus
tard.
En avant la musique
Me
voici devant l'interface principale. Celle-ci
se divise en 5 parties : la frise de composition,
le module Kepler, la table de mixage, et les emplacements
pour les instruments et effets.
D'emblée, on s'aperçoit du
seul intérêt des limitations en modules
: tout s'affiche dans une seule fenêtre.
Pas d'ascenseur, pas de sous-menus, chaque fonction
est accessible d'un coup de souris. Ce n'est pas
plus mal.
Par contre, il est impossible d'agrandir la fenêtre
du studio ; et en 1600*1200 on doit plisser
les yeux pour ne pas louper un bouton. Bon, je
l'avoue, tout le monde hallucine sur ma résolution
d'écran, mais j'y suis habitué et
il se peut que certains d'entre vous soient dans
le même cas. Autant le savoir tout de suite.
Pour terminer sur l'esthétique, l'aspect
graphique de l'ensemble est agréable et
confère un certain cachet au logiciel.
La prise en main de Storm
est assez rapide, même si elle n'est pas
sans anicroches car certains modules sont quelque
peu déroutants. Ainsi, lors de mes premiers
essais, je ne comprenais pas pourquoi j'obtenais
des changements de tonalité alors que j'avais
composé une ligne de basse toute simple.
J'ai fini par m'apercevoir que le fautif était
le module Kepler, un module original
capable de gérer l'harmonie du morceau
et opérationnel par défaut. Il suffit
de le déconnecter pour que tout rentre
dans l'ordre.
Mais la partie qui demande le plus d'adaptation est
sûrement la frise de composition que l'on
compare trop hâtivement à celle que
l'on trouve dans les Cubase
et consorts. Son concept est légèrement
différent : chaque ligne correspond bien
à un instrument, mais elle ne contient
ni données Midi, ni données audio.
Elle se contente d'afficher des informations sur
les mesures qui seront jouées (essentiellement
les numéros de pattern et les mutes) et
les données des automations. Ne comptez
pas retoucher vos données Midi précisément
après coup, Storm ne le permet pas, ce
qui se révèle être très
frustrant. Le problème ressurgit d'ailleurs
lors des automations ; la frise les enregistre
bel et bien mais ne les affiche pas, de telle
sorte qu'il est impossible de les modifier à
la main ! Seul un copié/collé grossier
est autorisé, ce qui signifie que vous
devrez recommencer depuis le début si votre
automation ne vous convient pas. Carrément
lourdingue.
Ces grosses lacunes suffisent à disqualifier
Storm de la course aux studios professionnels.
Sauvé par le gong
Alors doit-on jeter cette version 2 aux oubliettes ? Sûrement pas, car même si son moteur mériterait une complète refonte, il n'en reste pas moins un très bon produit, notamment grâce à des instruments et effets de qualité. J'ai d'ailleurs été plusieurs fois bluffé par la puissance que Storm pouvait dégager avec si peu de modules en simultané. Les instruments s'apprivoisent rapidement, sauf peut-être les boîtes à rythmes qui possèdent une particularité surprenante : lorsque l'on bouge un potentiomètre, le mouvement est enregistré sur une mesure et se répète inlassablement sur les suivantes. Les premières fois, on est surpris de voir les boutons s'agiter tout seul alors que l'on voulait juste apporter une légère modification. Pour qu'un bouton garde une position fixe, il faut le tenir jusqu'à la fin de la mesure. Un parti pris étrange, d'autant plus qu'on ne peut pas le « by passer ».
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La politique évolutive d'Arturia a permis à Storm de s'étoffer en nouveaux modules au fil des années. A ce jour, il propose 13 instruments et 10 effets dont certains encore inédits pour ce genre de logiciel. C'est le cas du module EZtrack, capable d'enregistrer n'importe quelle source de votre carte son en temps réel et de synchroniser le résultat au morceau courant. Vous pourrez donc pousser la chansonnette ou enregistrer un riff de guitare. Les échantillons ainsi enregistrés pourront être exportés vers d'autres modules d'un simple glissé/déposé, et, en cas de changement de tempo, ils seront automatiquement « time strechés ». Un plus non négligeable.
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Pour composer, vous aurez le choix entre 2 générateurs de lignes de basse. Arsenic est
un instrument qui se veut proche de la TB-303 mais qui garde sa propre personnalité.
Le choix entre 2 formes d'ondes permet de créer des sons de basses classiques mais également
des sons plus rétro du genre soundchip.
Bass 52 est un module de basse
électrique. Son répertoire plaira aux amateurs de jazz ou de drum & bass même
si ce n'est pas le module le plus impressionnant.
Du côté des boîtes à rythmes, c'est bonheur, Storm en propose cinq
aux sonorités différentes (TR-909, TR-808, acoustique, percussions
et synthèse). Si l'on souhaite créer une boucle, il faut cliquer sur les cases de la
grille pour indiquer l'endroit où l'on veut que le son soit joué, ce qui fait
apparaître une pastille de couleur. L'intensité de cette dernière détermine la vélocité
du son. Seulement quatre niveaux de vélocité sont proposés, ce qui n'est pas forcément
suffisant car certains sons restent faibles, même au maximum. De plus, sur certains modules, des
différences d'intensité peuvent déclencher des sons supplémentaires
! Pas très clair tout ça. Mais le son est là, c'est le principal.
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En fouillant dans le coffre à jouets, on trouve également 3 lecteurs d'échantillons dont EZtrack (cité plus haut), et Scratch qui permet... de scratcher sur 2 échantillons. C'est rigolo, mais ça manque cruellement de précision, et même si on peut enregistrer ses scratches, l'intérêt est moindre. H3Oplus est le dernier du groupe, c'est un lecteur d'échantillons 4 pistes. On glisse/dépose un échantillon sur une piste et l'on peut l'étirer ou le raccourcir à la volée. Cependant, il lui manque des fonctions supplémentaires comme le contrôle du volume sur chaque piste, et surtout la possibilité de raccourcir un segment audio par le début ET par la fin, ce qui permettrait de sélectionner un son précis dans une boucle pour remixer des rythmes.
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Il nous reste donc les synthétiseurs. Equinoxe utilise le même générateur de signal et le même filtre que le module Arsenic mais permet de plaquer des accords pour un résultat très agréable. Avec le module Shadow, on passe au niveau supérieur. Lui aussi gère des accords, mais utilise pour sa part la synthèse soustractive. Les boucles peuvent atteindre 8 mesures et vous pourrez modifier 2 paramètres simultanément avec son contrôleur 2 axes, de quoi s'amuser ! Orpheus, quant à lui, est un synthétiseur qui fonctionne sur le principe des tables d'ondes ; les possibilités de création qu'il offre sont suffisamment grandes pour ne pas ennuyer ses oreilles. Son problème : sa taille, il prend 2 slots à lui tout seul !
Un logiciel de ce genre serait complètement désuet sans une section effets digne de ce nom. Storm en propose 10, mais vous ne pourrez en utiliser que 3 simultanément, ce qui oblige à faire des choix cornéliens. C'est regrettable car ils sont tous de très bonne facture. Il est possible de les connecter en série ou en parallèle, voire de mélanger les deux afin de créer des effets particuliers.
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Il nous reste Kepler, un module à part, sûrement le plus difficile à comprendre, mais qui propose une vraie originalité, à savoir la gestion de l'harmonie du morceau. Chaque sphère qui le compose représente une tonalité. Le cercle intérieur regroupe les tonalités mineures et l'autre les tonalités majeures indiquées dans la nomenclature anglo-germanique. En cliquant sur chacune d'entre elles, vous pourrez programmer un enchaînement de tonalités. Une fois vos instruments connectés à Kepler, ils suivront bien sagement les changements de tonalité. A l'usage, il se révèle vraiment pratique et provoque parfois des évolutions non prévues que l'on garde pour les retravailler.
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évidemment, tout ce beau monde est contrôlable en Midi depuis n'importe quel clavier maître et surtout depuis n'importe quel séquenceur, ce qui permet de travailler les automations et autres programmations Midi beaucoup plus précisément. L'assignation des paramètres se fait en quelques clics, ce qui permet d'être très réactif lors d'un live par exemple.
Vous pourrez exporter vos créations ou créer des boucles aux formats wav, aiff et mp3, et à l'aide du magnétophone, vous serez à même d'enregistrer les pistes de votre morceau séparément pour pouvoir le réarranger dans un logiciel plus puissant. Chaque piste étant enregistrée au format wav, il est tout à fait possible de les charger dans les modules qui gèrent les échantillons, ce qui permet quelques astuces comme le « bounce » de quelques mesures afin de libérer des slots pour d'autres instruments, ou tout simplement introduire une boucle du morceau enregistré avec divers effets supplémentaires...
Un logiciel didactique
Conscient du décalage de leur logiciel avec les mastodontes du marché, Arturia a préféré recentrer son bébé sur un marché grand public. C'est pourquoi Storm 2 possède deux gros atouts majeurs pour les débutants : un assistant de composition et un espace de rencontres temps réel.
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Vous n'y connaissez rien en musique, mais vous voulez vous y mettre ? Storm
peut être une bonne introduction grâce à ses assistants de composition. Après
avoir choisi un style musical de votre choix (Hip Hop, Dub, Dance, House, Jazz Funk), un assistant
vous guide à travers plusieurs étapes pour réaliser votre titre, et bien qu'il
ne rentre pas dans les détails, il permet tout de même d'appréhender la structure
de base de chaque style et de la composition en général. Techniquement très
réussi, il permet en outre de découvrir le logiciel comme si une personne vous faisait
une démonstration. Ceux qui ne lisent jamais les manuels seront ravis ! Arturia annonce d'ores
et déjà d'autres assistants en téléchargement gratuit sur leur site. On ne peut que saluer cette
initiative.
Si vous n'y comprenez toujours rien, pourquoi ne pas demander de l'aide ? Pour cela, rendez-vous
dans « le Hall », un espace interactif on line où les utilisateurs
pourront lire des news (on y retrouve d'ailleurs celles de Musicrun, merci Arturia),
un espace de rencontres textuel (chat), quantité d'astuces en ligne et de quoi partager vos
ressources. Tout pour progresser à vitesse grand V ! Cependant, au cours de mon test, je
n'ai jamais trouvé une seule personne connectée en même temps que moi. La communauté
se ferait-elle discrète ? En tout cas, cet espace interactif n'en reste pas moins une
excellente initiative.
Conclusion
Quel dommage ! Malgré des qualités sonores indéniables et des fonctionnalités uniques (module
audio, espace de rencontres temps réel pour les utilisateurs), Storm 2.0 est bien trop
limité pour espérer se hisser sur le podium des meilleurs studios virtuels du marché.
On lui reprochera principalement son moteur vieillot et le cruel manque de fonctions d'éditions
fondamentales (retouche d'automation, vraie piste midi). Cependant, sa gestion du protocole rewire
et sa compatibilité VST lui permet de combler ses principales lacunes.
Au final, Storm s'adresse plus particulièrement aux débutants avec ses assistants de composition
et son espace interactif. Toutefois, si vous êtes à la recherche de nouvelles sonorités,
ce logiciel mérite que vous lui prêtiez une oreille, il pourrait vous surprendre.
Cyril Colom
Note : 13/20
http://www.arturia.com
Prix : 149 euros
Bon :
- Qualité sonore de l'ensemble
- Espace virtuel
- Les assistants
Moins bon :
- Moteur bien trop lent et gourmant en ressources
- La limitation en modules
- Aucune possibilité d'édition Midi en interne